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vèrent chacune de ces positions : la première en 1830, l’autre en 1848. Ainsi dépossédé, il ne perdit cependant rien de son goût pour les lettres, qu’il continua de cultiver dans sa retraite du Chalard, où il mourut en 1862. Son fils, M. Antoine de Latour, a été précepteur du duc de Montpensier. On a de Tenant de Latour : 1° deux Lettres à madame la comtesse de Rane, 1842, dont l’une a paru d’abord dans la Revue de Paris, du 1er octobre 1839, et l’autre en tète de son édition des Poésies de Malherbe, avec un Commentaire inédit de Chénier, 1842, in-12 ; 2° Un cabinet de M. Turgot, nouvelle lettre à la même, 1843, in-12 ; 3° Œuvres complètes de Chapelle et Bachaumont, 1854 ; 4° Œuvres complètes de Racan, 1857. Ces deux dernières éditions sont estimées et font partie de la Bibliothèque elsévirienne.

Z.


TENCIN (Pierre Guérin de), prélat français, né à Grenoble le 22 août 1680, d’une famille de magistrature[1], entra de bonne heure dans la carrière ecclésiastique et fut élevé à l’Oratoire ; il fit sa licence en Sorbonne, fut prieur de cette maison et y prit le bonnet de docteur. Nommé grand vicaire et grand archidiacre de Sens et pourvu de l’abbaye de Vezelai, diocèse d’Autun, il eut à soutenir, en cette dernière qualité, un procès qui plus tard donna lieu à ses ennemis de le présenter comme simoniaque et comme confidentiaire. Ses rapports avec le célèbre financier Law, dont il reçut l’abjuration à Melun, à la fin de 1719, furent assez utiles à sa fortune ; mais il en rejaillit sur lui quelque chose de la mauvaise réputation du financier (voy. l’article de madame de Tencin qui suit). L’abbé de Tencín fut nommé vers le même temps à l’évêché de Grenoble ; cette nomination n’eut pas de suite. Il accompagna le cardinal de Rohan à Rome en 1721 et fut son conclaviste. Ce cardinal lui fit confier l’emploi important de chargé d’affaires pour la France à Rome, et l’abbé de Tencin remplit cette mission. Nommé archevêque d’Embrun, il fut sacré par le pape lui-même à Rome, le 2 juillet 1724. Le nouvel archevêque revint en France et prit part à une mesure qui lui attira bien des contradictions. Soanen, évêque de Senez, excitait les plaintes de ses collègues par des écrits en faveur de l’appel ; on sollicita la tenue du concile de la métropole d’Embrun, dont Senez dépendait. Ce concile s’ouvrit en effet le 16 août 1727 ; on y dénonça une instruction pastorale publiée l’année précédente par Soanen, et elle fut condamnée le 20 septembre. L’évêque de Senez fut suspendu de l’exercice de ses fonctions, et un administrateur fut nommé pour son diocèse. Les actes du concile furent imprimés à Grenoble, en 1728, in-4°, et les décrets en furent approuvés par les deux puissances. Benoît XIII confirma ces décrets par un bref du 17 décembre 1727 ; il adressa de plus deux brefs très-flatteurs à l’archevêque. Le roi se montra également disposé la soutenir de son autorité les décisions du concile, et il en informa le prélat par une lettre. Enfin une assemblée de trente évêques, tenue à Paris, prit la défense du concile contre un mémoire d’avocats qu’on avait poussés à intervenir dans cette affaire. Mais de ce moment Tencin se trouva en butte à tous les traits d’un parti qu’on n’attaquait pas impunément. Les pamphlets, les chansons, les injures, les plaisanteries pleuvaient sur lui de toutes parts ; il fit tète à l’orage et publia une suite de mandements, d’instructions et de lettres sur les affaires de l’Église ; nous ne citerons que les plus importants de ces écrits. L’archevêque adressa six lettres à Soanen pour justifier les opérations de son concile. Il s’éleva contre les principes avancés par plusieurs avocats dans des consultations en faveur des appelants : on a de lui, entre autres, une instruction pastorale, du 26 janvier 1731, contre un mémoire de quarante avocats, instruction où il signalait les atteintes portées dans cet écrit à l’autorité de l’Église et même à l’autorité royale. Ces avocats exagéraient l’autorité du parlement de Paris, qui, par reconnaissance, supprima deux mandements de l’archevêque, et un nouveau mandement du prélat fut supprimé par arrêt du conseil du 24 septembre 1731. Il se plaignit vivement d’un traitement si sévère et ne cessa point de signaler les écrits dangereux ; le recueil de ses mandements en contient contre la Morale du Pater, contre les Mémoires historiques et critiques de Mézerai, contre les ouvrages de l’évêque de Montpellier (Colbert), contre ceux de l’abbé Travers, contre l’Histoire du concile de Trente de Le Courayer. Nous ne remarquerons ici que les Mémoires historiques et critiques sur divers points de l’histoire de France, 1732, in-8° ; ces mémoires, qui étaient en partie de Mezerai, furent publiés par Camusat (voy. ce nom). L’archevêque d’Embrun s’éleva fortement contre l’esprit et les principes de cet ouvrage, et sa lettre pastorale du 1er septembre 1732 fait bien sentir la tendance de ce livre. Le prélat ayant obtenu la présentation du prétendant d’Angleterre, Jacques III, pour le chapeau, fut déclaré cardinal le 23 février 1739. Il assista au conclave de 1740, où il avait le secret de la cour, quoiqu’il fût le dernier des cardinaux français. Il reçut le titre des Sts-Nérée et Achillée et fut transféré, la même année, à l’archevêché de Lyon. Il resta quelque temps à Rome pour le service du roi et ne prit possession du siège de Lyon en personne que le 20 juillet 1742. Le cardinal de Fleury, qui estimait ses talents, le fit nommer ministre d’État cette année même, et l’on prétendit qu’il l’avait indiqué au roi comme pouvant lui succéder ; mais le cardinal de Tencin n’eut point de

  1. Son aïeul, beau-père de Fériol, receveur général des finances, mourut en novembre 1706, premier président du sénat de Chambéry (la Savoie étant alors occupée par les Français), et pour successeur dans cette charge le père du cardinal, sujet de cet article (Journal de Verdun, février 1706, p. 92).