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pour ne pas blesser les convenances de son état. Enfin on assure avoir trouvé dans les papiers de d’Argental plusieurs pages du roman intitulé les Anecdotes de la cour et du règne d’Édouard II, lesquelles sont écrites de sa main et chargées de ratures. Les ouvrages de madame de Tencin ont été souvent imprimés. Ils ont été réunis à ceux de madame de la Fayette en 1786, 7 vol. petit in-12. Cette collection, augmentée de deux romans de madame de Fontaine, a été réimprimée en 5 volumes in-8°, Paris, 1804, avec des notices et un essai sur les romans, par l’auteur de cet article ; puis en 1. volumes in-8°, Paris, 1808, et enfin en 5 volumes in-8°, Paris, 1825, avec des notices fort instructives et fort piquantes de Jay et Étienne[1].

A-g-r.


TENDE (René de Savoie, comte de), était fils naturel de Philippe II, duc de Savoie (voy. ce nom), et d’une dame piémontaise. Le duc Philibert, dit le Beau, son frère, lui fit expédier des lettres de légitimation et le revêtit, en 1500, de la charge de lieutenant général. Par son mariage avec Anne Lascaris, il eut le comté de Tende, dont il prit le nom. Il accompagna Louis XII, en 1502, à Gènes et se rendit ensuite à Rome pour faire confirmer par le saint-siége sa légitimation. Marguerite d’Autriche, seconde femme de Philibert, avait conçu de l’aversion pour René, depuis qu’elle soupçonnait son penchant pour la France. Elle fit annuler par l’Empereur l’acte de sa légitimation, et Philibert eut la faiblesse de ne point s’y opposer. René, sensible à cet affront, quitta la cour de Savoie et se retira près de la duchesse d’Angoulême, sa sœur. Son éloignement fournit un prétexte à Marguerite d’Autriche pour assouvir sa haine. Un arrêt du sénat de Chambéry déclara René criminel du crime de lèse-majesté, et tous ses biens furent confisqués. Les démarches qu’il fit pour en obtenir la restitution ayant été sans succès, il n’hésita plus à s’attacher au service de la France. Nommé gouverneur et sénéchal de Provence en 1506, il parvint à la plus haute faveur sous le règne de François Ier, son neveu. Lors de l’entrée de ce prince en Italie, il fut chargé de faire une levée extraordinaire en Suisse ; mais il échoua par suite des obstacles que lui suscita le cardinal Schinner (voy. ce nom), et il rejoignit le roi dans les champs de Marignan (voy. François Ier). Il fut plus heureux dans une seconde tentative qu’il fit près des cantons et obtint des renforts, qu’il conduisit à Lautrec. À l’attaque de la Bicoque, il n’épargna rien pour modérer l’impatience qu’avaient les Suisses d’en venir aux mains, « usant, dit Brantôme, envers « eux de toutes les plus douces paroles et honnêtes pour faire temporiser ; mais ils ne le « voulurent jamais et fallut donner la bataille, qu’ils perdirent[2]. » Quoique soupçonné, non sans motif, d’avoir trempé dans les complots de la duchesse d’Angoulême contre le connétable de Bourbon, il se chargea avec La Palice d’arrêter ce prince ; mais celui-ci leur échappa (voy. Bourbon). Bientôt après, René repassa Alpes avec François Ier. Il se couvrit de gloire à la bataille de Pavie (24 février 1525) ; mais il y reçut plusieurs blessures graves. Tiré du milieu des morts, respirant à peine, il fut transporté à Pavie, où tous les moyens employés pour le sauver ne servirent qu’à prolonger ses douleurs de quelques jours. « On le tenait, dit Brantôme, pour un fort sage capitaine et avisé. » Guichenon a publié la vie de ce prince, dans l’Histoire généalogique de la maison royale de Savoie.

W-s.


TENDE (Claude de Savoie, comte de), fils du précédent, né le 17 mars 1507, entré de bonne heure dans la carrière des armes, et se trouva avec son père à la bataille de Pavie, où il fut au nombre des prisonniers. À son retour en France, il fut pourvu de la charge de colonel des Suisses et accompagna Lautrec (voy. ce nom) dans son expédition de Naples « où, dit Brantome, il sut conserver toujours et très-bien ses gens à l’obéissance et à leur devoir envers le roi. » Ayant succédé à son père dans la place de gouverneur et sénéchal de Provence, il repoussa les agressions de Charles-Quint, et l’ayant poursuivi dans sa retraite, il remporta sur ce prince divers avantages. Supérieur à son siècle par ses lumières, le comte de Tende vit la cause des troubles dont la Provence était agitée, dans l’ambition, la cupidité et la vengeance. Il plaignait les hommes simples que le zèle de la religion ou les illusions de l’erreur entraînaient au carnage ; mais il punissait les chefs fanatiques ou ambitieux qui soutiraient la discorde, sous quelque étendard qu’ils se fussent placés (Hist. gén. de Provence, par Papon, t. 4, p. 196). Son opposition à l’arrêt sanglant rendu contre les habitants de Mérindol (Voy. Oppède) le fit accuser de favoriser les protestants, et ses ennemis furent assez puissants pour le faire suspendre de ses fonctions ; mais le roi Henri II s’empressa de le rétablir dans sa charge. Il continua échapper à l’influence des partis en sévissant tour à tour contre les huguenots séditieux et rebelles, et contre les faux catholiques. Par sa prudence et sa fermeté, dit l’historien que nous venons de citer, il aurait étouffé les troubles en Provence, si la cour ne les eût entretenus par sa faiblesse. L’édit de 1562 ayant permis le libre exercice du culte réformé, le comte de Tende, pour en assu-

  1. On a imprimé, en 1790 : 1° Correspondance du cardinal de Tencin et de la marquise de Tencin, sa sœur, I vol. grand in-8°, publié par les soins J.-B. de la Borde (voy. ce nom). Soulavie a eu part à cette édition : ce qui n’est pas un titre de recommandation ; 2° Mémoires secrets de Madame de Tencin, ses tendres liaisons avec Ganganelli, ou l’Heureuse découverte, relativement à d’Alembert, 2 part. in-8°, que l’on attribue à l’abbé Barthélemy, de Grenoble, qui n’est pas l’auteur du Voyage du Jeune Anacharsis. Apocryphes ou non, la Correspondance et les Mémoires secrets n’ont pas été admis dans les éditions des Œuvres de madame de Tencin (Voy. André Ferry).
    A. B-t.
  2. Vies des capitaines français, t. 2, p. 195, édit. de 1740.