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de trente ans de service et cinquante-cinq ans d’âge. Au mois de juillet 1816, il fut arrêté au sujet d’une correspondance interceptée avec son frère Lazare, alors en Pologne ; mais il fut bientôt après remis en liberté, et reçut, en 1817, le brevet de lieutenant général. Il est mort le 17 juillet 1856, à l’âge de 81 ans. Carnot-Feulins a publié, à diverses époques, sous le voile de l’anonyme, plusieurs ouvrages sur la politique, dont plusieurs ont été, dit-on, traduits en allemand et en anglais. M. Quérard, dans la France littéraire, n’en cite qu’un seul : Histoire du directoire constitutionnel, etc., enrichie de notes curieuses et secrètes, par un ex-représentant du peuple, Paris, 1800, in-8o. — Claude Marguerite Carnot, frère du précédent, né à Nôlai en 1751, se livra à l’étude de la jurisprudence, et occupa divers emplois civils et judiciaires à Dijon. Il était procureur général près la cour de justice criminelle de cette ville, lorsqu’une mort prématurée l’enleva le 15 mars 1808. Sa dernière parole dénote une grande fermeté : « Vous allez voir, dit-il à ceux qui l’entouraient, comment l’on passe de la vie à la mort. » Il était destiné à faire un rapide chemin dans la magistrature, car Napoléon n’étendait pas sur lui l’inimitié qu’il portait à Lazare Carnot et à Carnot-Feulins.


CARO (Annibal), l’un des plus célèbres auteurs italiens du 16e siècle, naquit, en 1507, à Citta-Nova, dans la Marche d’Ancône, d’une famille peu riche. Obligé, dans sa première jeunesse, d’enseigner aux enfants les premiers éléments des lettres, Louis Gaddi, riche Florentin, le choisit pour maître des siens ; il en fit ensuite son secrétaire, et ne tarda pas à lui procurer de riches bénéfices. Malgré quelques désagréments que lui causait l’humeur inégale de son patron, Annibal Caro lui resta attaché jusqu’à sa mort, arrivée en 1515. Il entra la même année, avec le même titre, dans la maison de Pierre-Louis Farnese, qui fut fait, en 1515, duc de Parme et de Plaisance, par le pape Paul III, son père. La protection de toute cette famille procura bientôt au Caro un accroissement de fortune qui lui permit dès lors de satisfaire le goût dispendieux qu’il avait toujours eu pour les antiquités et les médailles ; il en forma par la suite une collection qui pouvait être comparée à celles des plus fameux antiquaires. Sa principale étude devint celle de la langue toscane, et sa réputation d’écrivain pur et élégant, en vers et en prose, se répandit dans toute l’Italie ; mais il était souvent détourné de ses travaux par les fonctions de son emploi. Le duc le chargea de plusieurs missions auprès de l’empereur Charles-Quint. Il en remplit une dans les Pays-Bas, en 1511, relative à la nomination de Farnése au duché de Parme, qui fut faite peu de temps après. De retour de ce voyage, qui lui occasionna une maladie assez grave, Annibal Caro, dégouté d’un service que les vices et l’humeur emportée de ce prince devaient lui rendre pénible, s’occupait des moyens de le quitter, lorsque le duc fut assassiné à Plaisance. Annibal courut alors quelques dangers. S’étant enfin sauvé à Parme, il y fut reçu avec amitié par le nouveau duc, octave Farnèse. Les deux cardinaux Ranuccio et Alexandre, frères d’Octave, le prirent successivement pour secrétaire, et il resta au service du second, depuis 1518 jusqu’à la fin de sa vie. De nouveaux bénéfices furent réunis sur sa tête ; la protection du cardinal Banuceio lui procure une entrée de grâce dans l’ordre de St-Jean de Jérusalem, et il obtint, peu de temps après, deux riches commanderies ; mais ce fut pour lui une double source de procès ; ce qui, joint aux sommes qu’il lui fallut fournir pour soutenir la religion attaquée par les Turcs, réduisit considérablement ses revenus. Appelé en 1558 à Malte, comme tous les autres chevaliers, pour la défense de l’île, il fut dispensé de s’y rendre par la protection du duc Octave et du cardinal Farnèse. Il était alors engagé dans une guerre d’une autre espèce avec le célèbre critique Castelvetro. Il avait fait, en 1515, à la demande du cardinal Alexandre, une grande et très-belle canzone, à la louange de la maison royale de France, commençant par ce vers : Venite all’ ombre dé gran gigli d’oro. Au moment où elle faisait le plus de bruit en Italie, il en tomba une copie entre les mains de Castelvetro, qui l’envoya à l’un de ses amis, avec des observations critiques. Ces observations coururent en même temps que la canzone. Annibal Caro en ayant eu connaissance, y répondit avec beaucoup d’importance et d’aigreur ; Castelvetro répliqua ; Varchi prit la défense d’Annibal Caro, son ami : ce fut une longue et violente querelle ; l’un eut le tort de l’avoir commencée, et l’autre de l’avoir soutenue avec une violence qui en donna tout l’avantage à l’agresseur. On reproche à Caro un tort plus grave : on prétend qu’il accusa son ennemi au tribunal de l’inquisition, et que ce fut lui qui fut cause de sa condamnation et de son exil. Muratori le lui impute positivement ; Fontanini et Seghezzi, auteur d’une vie d’Annibal, l’en justifient ; mais Tiraboschi, en rejetant l’idée d’une accusation formelle, ne nie pas que, dans son apologie, qui courut manuscrite avant d’être imprimée, et dans le temps même ou Castelvetro avait été mis en cause devant le saint office et n’avait évité la prison que par la fuite, Annibal se permit des expressions qui appuyaient les dénonciations faites contre lui, et qui purent contribuer à le faire condamner par contumace. Quoi qu’il en soit, le Caro, déjà vieux et attaqué depuis longtemps de la goutte, après avoir publié à Parme son apologie, se rendit à Rome, d’où il ne sortit plus que pour habiter, pendant la belle saison de chaque année, une maison de campagne à Frascati. Il y préparait une édition générale de ses ouvrages, lorsque, se trouvant tout à fait libre, il conçut le projet d’écrire un poëme épique : Pour s’exercer au style épique, et aussi pour démontrer que la langue italienne avait toutes les qualités poétiques qui pouvaient la rendre propre a l’épopée, contre l’opinion qu’en avaient encore plusieurs savants italiens, il commença une traduction de l’Énéide, en vers libres ou non rimés ; le charme qu’il trouva dans ce travail l’y attacha, et, réfléchissant sur son âge et sur ses infirmités, il abandonna son premier projet, pour achever cette traduction de Virgile, qui est un