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cembre 1562). Dans la bataille qui eut lieu, l’avantage fut d’abord pour les protestants ; le connétable de Montmorenci, commandant l’armée royale, fut blessé et fait prisonnier ; mais un renfort amené par le duc de Guise changea la face du combat. Condé avait eu un cheval blessé ; au moment où il en montait un autre, il fut entouré et contraint de se rendre. Le duc de Guise le reçut avec une grande affabilité ; ils soupèrent ensemble, et, ne s’étant trouvé qu’un seul lit, ils le partagèrent comme s’ils n’eussent pas cessé d’être les meilleurs amis du monde. Condé recouvra sa liberté par la paix de 1563. La reine n’épargna rien pour le fixer à la cour ; elle lui accorda une somme de 50,000 écus sur la vente des biens du clergé ; elle voulut qu’il la suivit au siège du Havre, que les Anglais gardaient contre les traités, et il ne s’y fit pas moins remarquer par son courage que par sa galanterie. Sa vivacité naturelle ne lui permettait. pas de cacher ses intrigues ; la princesse de Condé en eut connaissance, et le chagrin qu’elle en ressentit abrégea ses jours. Deux nouveaux édits avaient restreint les privilèges accordés aux protestants ; Condé en fit des plaintes ; la reine, qui croyait n’avoir plus d’intérêt à le ménager, ne l’écouta point. La lieutenance générale du royaume était vacante ; cette place appartenait de droit à Condé, premier prince du sang, par la mort du roi de Navarre ; il la demanda sans succès. Le duc d’Anjou (depuis Henri III) l’insulta même grièvement à cette occasion.

Condé n’attendit pas longtemps l’occasion de se venger. La reine mère avait traité avec les Espagnols pour exterminer les protestants du royaume ; malgré toutes ses précautions, le traité fut connu, et les protestants reprirent les armes. Condé, ayant échoué dans le dessein de s’emparer du roi à Monceaux, bloque Paris ; le connétable de Montmorenci lui livre une bataille à St-Denis (le 10 novembre 1567). Montmorenci est tué ; Condé se retire en bon ordre pour aller au-devant des renforts que lui annonçaient les protestants d’Allemagne. Lorsque ces troupes furent arrivées, l’embarras fut de les payer ; Condé vendit sa vaisselle et ses bijoux ; les autres seigneurs l’imitèrent, et on eut de cette façon une partie de l’argent nécessaire. Le traité du 25 mars 1568 rendit encore un instant la paix à la France. La reine cherche à s’emparer de Condé par surprise ; il en est prévenu et se réfugie à la Rochelle avec sa famille. Les guerres précédentes avaient conservé quelque chose de régulier ; celle-ci fut la plus désastreuse ; il s’y commit de part et d’autre une infinité d’horreurs. La campagne de 1569 s’ouvrit par la bataille de Jarnac ; au premier choc, Condé fut blessé au bras, et un cheval fougueux lui cassa une jambe. « J’ai encore assez de courage, dit-il, pour donner une bataille. » Il fondit ensuite sur quelques escadrons qu’il culbuta ; mais, obligé de céder au nombre, il se retirait, lorsque son cheval, percé de coups, tomba sur lui. Alors il leva la visière de son casque et tendit son épée à Dargent, qui le fit transporter au pied d’un arbre. Dans ce moment, Montesquieu, capitaine des gardes du duc d’Anjou, apprenant que Condé était prisonnier, accourut, criant : « Tue, tue, mordieu! » et lui lâcha un coup de pistolet qui lui cassa la tète, le 15 mars 1569. On plaça ensuite le corps sur un âne, et on le conduisit au duc d’Anjou, qui ne cacha point la joie qu’il ressentait de cette mort. Le prince de Condé était doué des plus belles qualités, spirituel, éloquent, affable envers les soldats, généreux : la violence de son caractère occasionna seule ses fautes. On a prétendu qu’il avait fait frapper une monnaie d’or, avec cette légende : Ludovicus XIII, Dei gratia, Francorum rex primus christianus. On ne peut nier l’existence de cette monnaie, puisque Leblanc, dans son traité, assure en avoir vu une pièce entre les mains d’un Anglais ; mais Catherine de Médicis, ou quelques-uns de ses favoris, ont bien pu fabriquer cette monnaie, pour rendre Condé odieux au roi et détacher de leur parti le grand nombre de ceux qui n’avaient pris les armes que pour la religion. On trouvera des additions à cet article dans les ouvrages suivants : 1° Mémoires de Brantôme, t. 8, p. 252-64 (on doit observer que Brantôme était favori des Guises, et opposé à Condé et aux protestants, et qu’on ne peut le lire qu’avec circonspection ). 2° Histoire de Louis Ier, prince de Condé, par Perau (Vies des hommes illustres de France, t. 15) ; elle est écrite avec impartialité et intérêt. 5° Histoire de la maison de Bourbon, par Désormeaux, t. 5. 4° Mémoires de Condé, Strasbourg, 1566, 5 vol. in-8° ; la meilleure édition est celle de 1745, Londres (Paris), 6 vol. in-1°, avec des notes de Secousse et un supplément de Lenglet Dufresnoy.


CONDÉ (Henri Ier de Bourbon, prince de), fils du précédent, né à la Ferté-sous-Jouarre, le 9 décembre 1552, était à peine âgé de seize ans lorsqu’il perdit son père. Il se hâta de joindre l’armée des protestants, dont le commandement était passé à l’amiral de Coligni, et se fit remarquer dans plusieurs occasions : « C’était un prince très-libéral, doux, gracieux et très-éloquent, et il promettait d’être aussi grand capitaine que son père. » Il n’échappa au massacre de la St-Barthélemy qu’en promettant d’abjurer le calvinisme ; mais aussitôt qu’il fut débarrassé de ses gardes, il s’enfuit en Allemagne, d’où il adressa à Henri III une requête pour demander le libre exercice de sa religion. Il leva ensuite des troupes, et se rendit à leur tête au camp du duc d’Alençon, élu généralissime des protestants. Il fut excommunié en 1585, avec le roi de Navarre, son cousin, par Sixte V, et il y eut des personnes qui regardèrent sa fin malheureuse connue un effet de l’excommunication. Il mourut à St-Jean-d’Angely, le 5 mars 1588, empoisonné par ses domestiques. Charlotte de la Trémouille, son épouse, fut soupçonnée d’avoir conseillé ce crime, et l’on instruisit son procès ; mais Henri IV en fit jeter les pièces au feu, et un arrêt du parlement de Paris reconnut son innocence ; cependant on n’a pas craint de faire planer le plus odieux soupçon sur sa mémoire. Elle se serait portée à ce crime, dit-on, pour dérober à son mari les suites d’une intrigue qu’elle avait eue avec un de ses pages, suivant les uns, et, suivant d’autres, avec Henri IV lui-même.