Page:Michaud - Le printemps d'un proscrit, 1803.djvu/127

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Dans les bois, sur les monts, portée au gré des vents,
M’offrira le tableau de mes destins errans.
O fleuve ! Dont ma muse a célébré les rives,
Redis alors mes chants, dans tes grottes plaintives ;
Etends sur les vallons ton humide vapeur,
E que les champs en deuil parlent de ma douleur.
Un antique château dominoit la colline ;
Je ne vois plus, hélas ! Qu’une immense ruine ;
Ces jardins dévastés, et ces toits démolis,
La bruyère croissant sur ces remparts détruits,
La splendeur des hameaux en débris dispersée,
Viennent d’un nouveau deuil affliger ma pensée :
Hélas ! Des factions le bras ensanglanté
S’est étendu par-tout et n’a rien respecté.
Un mortel dont Bellone admira le courage
Couloit en paix ses jours sur cet heureux rivage,
Habitant le château qu’habitoient ses ayeux,
Comme eux fuyant les rois, et les servant comme eux ;
Descendu sans orgueil du char de la victoire,
Dans le calme des champs il oublioit sa gloire.
Il régnoit par l’amour sur ses nombreux vassaux ;
Sa présence souvent anima leurs travaux ;
Il veilloit sur leurs mœurs et partageoit leurs peines.
Lorsqu’un fléau cruel vint désoler ces plaines ;
Quand l’hiver tout-à-coup, revenu sur ses pas,
Couvrit les bleds naissans de ses mortels frimats,
Noirs enfans de l’été ; quand la grêle et l’orage
Sur ces bords désolés portèrent leur ravage,
Contre un fermier, en proie au fléau destructeur,
Il n’exerça jamais une avare rigueur ;
Du peuple agriculteur il plaignoit la misère ;
Il alloit consoler le pauvre en sa chaumière,
Et toujours sa bonté réparoit par ses dons
L’injustice du sort et les torts des saisons.
Mais bientôt des partis la fureur meurtrière
Aux plus noirs attentats vient ouvrir la carrière.
Dans ces jours malheureux, sa bonté, sa vertu,
Des complots des méchans ne l’ont point défendu.
O douleurs ! ô momens d’horreur et d’épouvante !
Il a vu la discorde, en sa marche sanglante,
Invoquant des tourmens et des crimes nouveaux,
Secouer sur ces bords ses horribles flambeaux.
Le fer des assassins a menacé sa vie ;
Et, dans l’embrâsement d’un coupable incendie,
Il a vu s’écrouler ces tours, ces chapiteaux,
Et ces toits si connus du pauvre des hameaux !
Il erre maintenant sur de lointains rivages.
Les peuples et les rois l’ont accablé d’outrages ;
Et d’exil en exil, par le sort poursuivi,
L’Europe à ses malheurs offre à peine un abri.
Français malgré le sort, aux lieux qui l’ont vu naître
Il reporte ses vœux ; en ce moment, peut-être,
L’infortuné, bravant la fureur des tyrans,
Dans les bois d’alentour traîne ses pas errans ;
Il parcourt ces hameaux, il revoit ces chaumières,
Où son nom fut béni dans des jours plus prospères ;
Il revoit sous