Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 1.djvu/327

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en soupirant qu’elle avait vu des Turcs porter des têtes de Grecs au bout de leurs piques ; ce souvenir la faisait fondre en larmes. Nous avons offert du pain et des œufs aux enfans qui étaient accourus pour nous voir dîner ; mais les mères qui étaient présentes, ont saisi leurs enfans dans leurs bras et leur ont défendu de manger. C’était le vendredi, et, ce jour-là le jeûne le plus rigoureux est ; ordonné, même aux petits enfans. Après dîner, toutes les femmes se sont approchées de nous en nous montrant leurs mains ; elle nous prenaient pour des sorciers, et chacune d’elles voulait qu’on lui dît sa bonne aventure.

Nous n’avons pu nous procurer qu’une cruche de vin dans tout le village de Mesotopos ; les Grecs nous ont dit qu’ils étaient tous très-malheureux ; à l’époque de la moisson, l’aga ou un officier turc vient compter leurs gerbes, et quand les gerbes sont abattues, il vient mesurer le blé ; la même surveillance, disaient-ils, est exercée pour toutes les récoltes. Le mutzelin de l’île ordonne que tout lui soit vendu, au prix qu’il fixe lui-même ; tout cela n’empêche pas qu’il ne prélève encore un dixième sur tous les produits de la terre, et qu’il ne fasse payer le caratch ou la capitation. Les Grecs de Mesotopos déploraient amèrement leur sort, et nous demandaient, des nouvelles de la Morée.

Nous avons fait plusieurs autres courses, soit en suivant les côtes de la mer, soit en nous avançant