Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 1.djvu/354

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pierre, placés auprès de la mosquée. Nous avons eu bientôt la visite de tous les curieux du village, qu’on peut à peu près compter par le nombre des habitans ; ils ont examiné avec attention la forme de nos vêtemens, ils ont admiré des pistolets à piston et à batterie masquée que nous avions achetés à Toulon, et leur surprise a été grande surtout quand nous avons déroulé sous leurs yeux des cartes géographiques de l’Anatolie, où se retrouvent tracés des noms qui chaque jour frappent leurs oreilles ; ils ne pouvaient revenir de leur étonnement, en apprenant que dans les royaumes d’Europe on n’ignorait pas le nom du village de Keiklé. Nous leur avons parlé de la ville de Troie dont nous allions visiter les ruines ; ils n’étaient qu’à quelques heures des sources du Scamandre et n’avaient pourtant jamais entendu prononcer le nom de l’ancienne capitale de la Troade. Un capitaine de canonniers en garnison à Ténédos, qui nous a fait plusieurs visites dans la soirée, n’en savait pas plus là-dessus que les paysans du village. J’aurais bien voulu suivre une conversation avec ces bonnes gens, non point pour connaître les antiquités du pays, mais pour les connaître eux-mêmes, pour me faire une idée exacte de leurs mœurs, de leur caractère, de leurs sentimens, ce qui vaut-bien autant, selon moi, qu’une connaissance incertaine des peuples et des temps anciens. Les hommes qui sont restés, comme des ruines vivantes, au milieu de ces contrées cé-