Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 1.djvu/39

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mes pieds ; l’horizon paraissait en flammes ; je distinguais à peine les objets ; j’étais ébloui par l’éclat de la lumière, suffoqué par la chaleur ; ajoutez à cela ce trouble d’esprit qu’on éprouve dans un pays qu’on n’a jamais vu, et auquel on a rêvé toute sa vie. Quand j’ai eu repris mes sens, et que mes yeux ont commencé à voir ce qui était autour de moi, je me suis trouvé au milieu d’une espèce de bazar, construit près du rivage, et composé de méchantes boutiques, de pauvres cabanes de bois. Deux ou trois tavernes, quatre ou cinq billards sont les édifices les plus apparens et les plus fréquentés de cet amas confus d’habitations. La population grecque ainsi entassée n’avait, il y a quelques mois, d’autres demeures que les cavernes du voisinage. On trouve là un assez grand nombre de Francs, venus de tous les coins de l’Europe ; vous devez croire qu’ils ont apporté de leurs pays plus dé besoins que de richesses, plus de vices que de vertus : voilà cependant quels seront les fondateurs d’une cité nouvelle ! Nous ne sommes plus au temps où la lyre d’Amphion bâtissait des villes, c’est la misère industrieuse qui se charge maintenant du prodige ; rien ne se fait plus que par l’industrie, et tout doit commencer par des boutiques. Cette réunion d’habitations informes n’a point encore reçu de nom, même dans le pays ; il est probable que dans quelque temps, on l’appellera le nouveau où le troisième Navarin.