Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 1.djvu/454

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nous avions parcourus les jours précédens. Le Tasse, à qui on demandait une définition de l’épopée, montra, pour toute réponse, des plaines, des montagnes, des fleuves, des cités, et dit : Voilà mon poème ; en voyant d’un côté le mont Ida et les campagnes de Troie, de l’autre le large Hellespont, nous aurions pu dire aussi : Voilà l’Iliade.

Il ne nous reste donc plus rien à voir ; en parcourant la Troade, Homère à la main, je puis dire que j’ai goûté deux plaisirs à la fois ; l’aspect du pays m’a fait mieux sentir les beautés du poète, et le pays, vu à travers les couleurs de l’épopée, m’a offert un spectacle toujours nouveau. Les lectures que nous avons faites dans les plaines de Troie resteront toujours dans ma mémoire, et je me souviendrai du chantre d’Achille comme d’un hôte magnifique qui m’a reçu dans le pays d’Ilion et m’en a montré toutes les merveilles. Je n’ai point lu les ouvrages de nos savans qui ont contesté au prince des poètes jusqu’à son existence, et qui ont conclu de l’Iliade qu’Homère n’avait jamais existé, comme certains athées ont conclu de l’univers qu’il n’y a point de Dieu. Ces savans ont pensé que la colère d’Achille et la guerre de Troie avaient inspiré plusieurs poètes différens, et que de leurs chants réunis on avait composé un chef-d’œuvre immortel. L’unité qui existe dans le poème de l’Iliade, l’ordre qui en lie si bien toutes les parties, m’avaient d’abord porté à ne voir qu’un