Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 1.djvu/69

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et tous deux s’arrêtent à la même pensée. Il y avait alors dans la rade un corsaire de Malte : Théodoro s’empare de la femme de son adversaire, et va la vendre au capitaine maltais. Ils ne s’entendirent point d’abord sur le prix ; et comme Théodore insistait pour la somme qu’il voulait avoir, le capitaine lui dit qu’il avait acheté le matin même une femme plus jeune et plus belle, et qu’il l’avait eue à beaucoup meilleur marché. Théodore voulut la voir ; on la fit venir. Mais quelle fut sa surprise ! c’était sa propre femme ! Il jugea qu’Anapliotis l’avait prévenu pour que son adversaire ne conservât pas sur lui un pareil avantage, il se hâta de vendre la femme de ce dernier au prix qu’en avait offert le corsaire maltais. Vous croyez peut-être que l’histoire finit là ? Point du tout. Tel était le caractère de nos deux pirates maniotes, que ce qui devait allumer entre-eux une haine mortelle, fut précisément ce qui les raccommoda. Semblables à ces maîtres d’escrime qui se sont portés des bottes savantes et qui se retirent du combat pleins d’estime l’un pour l’autre, ils se rapprochèrent bientôt par une admiration réciproque, et réunirent enfin leurs efforts, contre le capitaine maltais, qu’ils forcèrent de leur rendre les deux femmes.

Cette anecdote, qui pourrait fournir le sujet d’une comédie, me donne lieu de vous faire remarquer une étrange contradiction dans les mœurs