Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/210

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derviches, il ne s’en forma pas moins contre lui des partis violens, parmi les docteurs, les médecins et les dévots. Les uns proscrivaient le café, parce qu’il ressemblait à du charbon, les autres parce qu’il était malsain, plusieurs parce qu’on le prenait en compagnie et dans les assemblées suspectes. On prêcha dans les mosquées ; contre un poison qui menaçait la vie présente et la vie future, contre la liqueur séditieuse au nom de laquelle on se réunissait. Tout cet orage contre le café ne put vaincre l’opiniâtreté du public, et le moka faisait déjà de très-grands progrès à Stamboul lorsqu’on le connaissait à peine à Paris. Je m’amuse quelquefois de la surprise que montrèrent nos anciens voyageurs, lorsqu’ils trouvèrent l’usage du café établi en Orient ; les uns appellent cette boisson cavi, les autres caouvi ; ils la désignent comme une eau noire, comme une liqueur faite avec une certaine mûre, une certaine graine ; ils ne savent quel jugement il faut en porter. C’est à peu près dans le même temps que madame de Sévigné disait que Racine passerait comme le café. Depuis ce temps le café, comme chacun le sait, s’est fort bien accrédité à Paris, et dans le pays où nous sommes, l’empire du Coran n’est pas plus solidement établi que le moka et le chibouk. Nulle part les délices du café et du tabac ne sont mieux sentis, mieux appréciés qu’en Turquie. Toutes les fois que je vois de bons Osmanlis, accroupis sur une estrade et