Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/212

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on ne fait jamais une visite sans qu’on vous offre une tasse du nectar arabique. Il m’est arrivé d’en prendre jusqu’à vingt tasses dans un jour ; il faut vous dire cependant que, dans la bonne compagnie, on ne sert plus maintenant qu’une tasse à moitié pleine. Je n’aime guère cette innovation, et ce n’est pas là que doivent porter les réformes.

Le café et le chibouk ne sont pas seulement en honneur parmi les Turcs, mais parmi toutes les nations qui habitent l’Orient. Après avoir été le sujet de tant de discordes, ils sont devenus comme le pain et le sel, gages d’alliance et d’amitié ; ils sont un moyen de rapprochement, un lien commun entre toutes les sectes rivales ; et si l’un et l’autre, comme on le dit, comme on le craignait autrefois, ont quelque chose de social dans leurs inspirations, il ne faut pas tout-à-fait désespérer de la civilisation de ce pays.

J’ai vu, près de Solymanieh, les cafés que fréquentent les mangeurs d’opium, appelés thériakites ; ces cafés sont rangés, à là suite les uns des autres, et font face à la mosquée ; la place sur laquelle ils se trouvent est une des plus belles de Constantinople. On reconnaît ceux qui fréquentent ces cafés à leur teint livide, à la couleur terne de leurs yeux, à leur dos voûté, à leur démarche lente ; on les voit étendus sous des portiques ombragés d’arbres ; les extases les plus étranges s’emparent, dit-on, de leur esprit. Ne leur demandez.