Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/281

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devant nous et s’est arrêté. Nous lui avons adresse des questions sur les janissaires, et d’abord il a dédaigné de nous répondre ; comme mon interprète lui parlait avec quelque intérêt de la milice tombée, le Musulman s’est un peu plus rapproché de nous, et bientôt il nous a montré cette place déserte où l’herbe croît aujourd’hui comme dans un champ, et le lieu où s’élevaient les édifices destinés aux cent quarante odas. À mesure qu’il nous parlait, sa physionomie prenait une expression plus vive, et dans le cours de la conversation, il n’a pas craint de nous dire qu’il était lui-même un enfant de Bektach, et qu’il avait appartenu au corps puissant que la foudre impériale a frappé. J’ai voulu savoir de la bouche même d’un janissaire quels avaient été les derniers momens de cette milice autrefois si redoutée ; il ne s’est point fait prier, et nous a raconté à sa manière comment la grande porte de l’Et-Maïdan fut brisée par le premier coup de canon, comment des fusées, semblables aux éclairs de la foudre, portèrent l’incendie dans les chambrées de l’odjak. Ce fut alors, ajoutait-il, que les marmites des odas furent abandonnées par leurs gardiens, et que ceux qui avaient tenu l’écumoire de la sédition furent plongés dans l’abîme de la stupeur. Les janissaires qu’atteignait le feu poussaient des cris qui auraient pu être entendus des habitans d’un autre monde, mais personne ne venait à leur secours ; sur la place de l’Et-Maïdan, on ne voyait