Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/287

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nait de recevoir de la part du sultan le sorbet des braves (c’est une eau amassée en avril sur les toits du sérail, à laquelle on mêle des sirops et des parfums). Le vainqueur des janissaires était tout fier de cette marque de distinction, et rien ne lui paraissait plus beau que la révolution qu’on venait de faire à Stamboul. Combien de temps, disait-il à M. Desgranges, a duré la révolution française ? — Vingt-cinq ou trente ans, et elle n’est pas finie. — Eh bien ! écrivez à Paris que nous venons d’en faire une en vingt-trois minutes. — Ainsi les gens qui remuent les sociétés dans quelque sens que ce soit, ont tous les, mêmes illusions. Mais une révolution est-elle terminée, lorsque le sang coule encore en son nom, et que les bourreaux sont toujours là ?

Le pacha avait donné des ordres pour rechercher les deux janissaires, réclamés par l’ambassade de France ; il se trouva que les deux janissaires étaient dans les prisons du grand-visir ; il fallait s’adresser au-lieutenant de sa Hautesse, qui venait de quitter la mosquée d’Achmed, et de s’établir dans la première cour du sérail. Lorsque M. Desgranges se remit en chemin pour achever de remplir son honorable mission, la nuit était close ; il fut obligé de traverser un grand, nombre de rues fermées par des portes ou des grilles. La cité offrait partout un aspect lugubre ; les rayons de la lune ne laissaient voir que des figures pâles et consternées ; tout le monde veillait, tout le monde était debout, mais