Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/290

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a vu quelquefois les Turcs que j’appellerai, si vous le voulez, les révolutionnaires de la Barbarie, s’égorger entr’eux, piller, brûler tout un quartier, sans faire entendre une plainte, une menace, sans proférer une parole ; véritable phénomène qui étonnerait nos révolutionnaires civilisés. La capitale des Osmanlis n’entend jamais battre le rappel ni la générale au moment d’une sédition ou d’une émeute ; je n’ai pas besoin de vous dire qu’on n’y a jamais entendu le tocsin ni les cloches ; seulement quelques crieurs publics parcourent les rues, et proclament les intentions et les volontés du gouvernement ou de la multitude, au risque d’être étranglés par les mécontens ou les hommes du parti contraire. Pour faire une révolution à Paris, il vous faut des tribunes et des orateurs, des journaux, des pamphlets, des élections ; tout cela ferait trop, de bruit et serait du temps perdu chez les Turcs. Quelques habitans de Péra qui, dans la matinée du 16 juin, avaient braqué leurs lunettes d’approche sur le palais du grand-visir, crurent s’apercevoir qu’on jetait les meubles par les fenêtres ; on sut dès-lors qu’il y avait une révolution à Stamboul ; on put s’en assurer plus tard au bruit du canon qui retentissait vers la caserne des janissaires. Le lendemain on put en savoir davantage à la vue des maisons brûlées, aux têtes exposées au sérail, aux cadavres étendus dans, les rues ou jetés à la mer.