Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/34

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truit cette muraille est planté de très-beaux platanes qui feraient l’ornement d’une de nos grandes cités ; les Arméniens y ont établi leur cimetière. Tandis que nous étions assis sur les pierres du parapet, nous avons été témoins d’une scène assez curieuse que je veux mettre sous vos yeux. Un groupe de femmes arméniennes, avec des provisions, une cruche d’eau, et un vase rempli de charbons allumés, est venu se ranger en cercle à quelque distance de nous ; tout à coup l’une d’elles s’est mise à pleurer et à gémir ; le groupe tout entier a suivi cet exemple, et l’air a retenti de cris déchirans ; la femme qui avait donné le signal d’un aussi grand désespoir est allée se prosterner sur une tombe voisine dont la terre paraissait fraîchement remuée ; tantôt elle se jetait à genoux, les mains jointes, tantôt elle couvrait la terre de toute la longueur de son corps, ou bien elle restait debout et immobile ; bientôt un prêtre arménien, qui jusque-là s’était tenu à l’écart, s’est approché de cette pauvre femme ; il a ouvert un livre et prononcé quelques paroles. La femme est revenue au milieu du cercle, et les gémissemens ont recommencé : « Ô mon cher époux, nous t’avons perdu… ô l’exemple des maris, pourquoi nous as-tu quittés ?… qui t’a forcé d’abandonner ce monde où tes amis te pleurent ?. reviens parmi nous, et nous te ferons oublier par nos soins les peines de cette vie… » Après ces apostrophes et mille autres semblables