Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/375

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la marine ottomane, mais il n’ose rien faire par lui-même, parce qu’il est encore sous la tutelle du séraskier qui le comptait naguère parmi les serviteurs ou les esclaves de sa maison, et qui a conservé l’habitude de lui commander.

Nous autres Francs, nous ne pouvons nous faire à l’idée de voir un esclave assis au pouvoir à-côté de celui que naguèr il avait pour maître. Je veux m’arrêter un moment avec vous sur cette circonstance que nous appelons une bizarrerie de la fortune et qui ne surprend personne chez les Turcs. On ne s’étonne pas plus de l’élévation d’un homme nouveau, qu’on ne s’étonne se sa chute ; aussi toutes les idées que nous avons sur la fragilité des grandeurs, tous ces contrastes dont notre imagination est toujours si frappée, se perdent pour les Osmanlis dans la pensée générale de la destinée ou de la volonté céleste. Il y a quarante ans qu’on parle en France de l’égalité absolue ; c’est en Turquie qu’il faut voir jusqu’à quel point cette chimère peut se réaliser. Si on parlait à Stamboul d’un homme de rien, d’un parvenu, on risquerait de n’être compris que sur la colline de Péra ; toutes ces surprises que nous avons en Europe quand nous voyons quelqu’un s’élever, nous viennent de notre vieille aristocratie, qui nous a laissé ces préventions, et malheureusement ne nous a laissé que cela. Rien n’est plus rare chez les Turcs que ce que nous appelons les illustrations dé familles ; il