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APPENDICES

messire Giovanni Gaddi, clerc de la Chambre. Je me recommande à vous mille fois. Le Christ vous conserve en santé — Tout votre,

Frère Sébatien des Lucianis,
peintre.000000

XIII

Au seigneur Miclielange des Bonarotis, à Florence.
Le 16 juin 1531.0000

0000Mon très cher Compère,

J’ai reçu de vous une Lettre en réponse à la mienne, avec une autre incluse et adressée à notre Maître. Je la lui ai remise en mains propres, il en a été fort satisfait et a voulu voir aussi celle que vous m’écriviez. Il s’étonne beaucoup et regrette que vous ayez souci des bavards qui, à défaut de sujets d’entretien avec Sa Sainteté, parlent de Michel-Ange et de ses œuvres, pour paraître gens d’esprit et connaisseurs, disant de ces grands mots à contresens qui feraient rire les pierres. Mais, grâce à Dieu, Sa Sainteté les connaît si bien qu’elle semble vraiment les entendre avec mes oreilles ; elle en fait juste autant de cas que nous, et je suis certain qu’à cet égard on ne pourrait pas trouver dans tout l’univers un homme plus à votre gré que le Saint-Père. Il m’a dit expressément que j’eusse à vous e, de sa part, que vous ne lui feriez pas moins de plaisir en vous ôtant de la cervelle vos soucis au sujet de ces cigales, que si vous lui faisiez en un jour tous ses travaux, parce que certaines peines sont inutiles à se donner. Il m’a dit que vous ne devriez pourtant pas ignorer qu’il sait ce que vous pouvez ou ne pouvez pas faire ; il est resté stupéfait, en lisant dans votre lettre, en ma présence, ce que vous dites des figures qui sont finies, et il a dit qu’il n’y eut jamais de plus grand travailleur que vous, quand vous voulez : tout le contraire des cigales. Il m’appela encore et me dit : « Écris-lui que je le prie de faire ce travail à l’aise, de n’en faire que ce qu’il peut ; car je ne voudrais pas qu’il se surmenât, qu’il s’attirât quelque infirmité. Dis-lui de faire quelquefois une promenade. » Et il ajouta beaucoup de bonnes paroles, car il montre vraiment qu’il vous aime et fait grand état de vous, avec tant de sincérité et tant d’affection que Dieu sait combien j’en suis heureux ; et vous pouvez être content, vous aussi. Mon compère, je ne puis nier que je vous aime plus que toutes les choses créées du monde que je fais plus grand compte de vous que de tout le reste, et l’amitié que je vous porte ne me trompe pas. Mais je vous le dis bien, si je connaissais notre ami comme étant dans d’autres sentiments à votre égard, je souffrirais mille morts plutôt que de vous écrire une chose pour une autre ; et s’il changeait de sentiment, dans le cas où je ne pourrais pas écrire, j’irais de ma personne vous le dire à Florence Bien certainement l’amitié ne me fait pas illusion ; j’ai voulu m’en assurer de beaucoup de manières ; soyez sûr que j’ai bon goût sur ce point et que je ne me trompe pas. Ne croyez pas que, dans ma vieillesse, je sois devenu courtisan. Si je ne connaissais pas très bien la valeur de la pièce et ce qu’elle est pour nous, bref, il suffit…

Pour l’affaire de Jules II, notre seigneur a lu ma lettre, comme ci-dessus, et relu une seconde fois le passage de l’avis que je vous ai donné, au sujet du duc d’Urbin. Il a voulu que je lui dise qui m’avait parlé de cela. J’ai tout dit à Sa Sainteté, je l’ai priée de vous aider, de vous être favorable dans cette circonstance, ajoutant que vraiment elle vous rajeunirait de vingt-cinq ans. Le Saint-Père me répondit avec une grande bonté qu’il le ferait bien volontiers et qu’il en serait enchanté. Il m’a dit de n’écrire à personne de l’entourage du duc avant de savoir vos intentions, et m’a ordonné de vous écrire pour que vous me fassiez connaître votre volonté, comment vous voudriez arranger cette affaire, afin que j’en informe Sa Sainteté et qu’elle sache ce qu’elle peut offrir de votre part et promettre aux agents ou à l’ambassadeur du duc d’Urbin. Je suis certain que la faveur de Sa Sainteté fera beaucoup, et que les choses s’arrangeront avec plus d’honneur, de crédit et de facilité. Ainsi, mon compère, décidez bien ce que vous voulez faire, réfléchissez-y bien ; ce que vous voudrez et ordonnerez sera fait, et rien de plus. J’ai, près de la personne du duc, un messire Oratio, mon très grand ami et le premier homme que possède Son Excellence le duc. Il y a encore mon médecin que vous vous rappelez, je crois ; je vous ai montré son portrait chez moi, dans le Trastavère ; il sera, lui aussi, un bon intermédiaire, avec le Geiiga. Tous trois sont hommes de bien, mais celui qui peut tout, c’est messire Oratio.