Page:Michel - Essai sur la décoration extérieure des livres, 1878.djvu/10

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S’il s’agit d’un ouvrage ancien relié à nouveau, ce qui arrive le plus fréquemment, la décoration naturelle est la reproduction d’une reliure de l’époque à laquelle le livre a été imprimé, et, si la réimpression est moderne, d’une reliure du temps où vivait l’auteur. Aussi est-ce avec surprise que nous avons vu des maîtres de la Reliure moderne, si remarquables d’ailleurs par des qualités d’exécution jusqu’alors inconnues, manquer si souvent à ces principes.

Fanatiques, les uns de Le Gascon ou de Du Seuil, les autres de Padeloup ou de Derome, ils ont reproduit les œuvres de ces célèbres Relieurs sur des livres de toutes les époques qui leur ont été confiés, et l’on voit avec étonnement le Roy Arthus ou Tristan de Leonnois dans le pourpoint de Louis XIV, et Rabelais ou Ronsard dans la jupe à fleurs de madame Deshoulières.

Longtemps les amateurs, sauf quelques rares exceptions, loin de chercher à arrêter les Relieurs du siècle dans cette voie mauvaise, les ont au contraire encouragés, engoués qu’ils étaient eux-mêmes de tel ou tel maître ancien ; mais, depuis quelques années, des amateurs éclairés s’efforcent de réagir contre cette erreur de goût et de bon sens qui a eu de si funestes conséquences, dont la plus grave a été d’empêcher la recherche et la création d’un style propre au dix-neuvième siècle.

Il est peu d’industries qui se soient développées aussi vite et soient parvenues presque à leur naissance à des résultats aussi brillants que la Reliure. Avant l’invention de l’imprimerie, elle n’existe pour ainsi dire pas ; si des manuscrits célèbres nous montrent les métaux précieux, les pierreries, l’ivoire servant à enrichir leurs couvertures, ces spécimens, toujours intéressants et souvent des plus complets au point de vue de l’art du bijoutier, du sculpteur-ciseleur, n’ont