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LES « HAUTS FOURNEAUX »

la haine, prêchant les boycottages et proclamant la guerre inévitable ; ni à ces auteurs dramatiques qui, dans le même temps, exaltaient et flattaient dans leurs pièces le plus furieux chauvinisme.

Non. J’ai reçu des aveux qui m’ont glacée. Un écrivain, qui jadis fit preuve du plus courageux libéralisme et qui possède une intelligence extrêmement lucide et déliée, me disait, il y a deux ans : « Je ne suis pas loin de me rallier à la doctrine de Joseph de Maistre : oui, la guerre est sacrée, la guerre est divine ». Et chevauchant sur sa chaise, les mains fermées sur des rênes imaginaires, il s’enlevait d’un temps de trot : « Ce serait tout de même épatant, d’entrer à Francfort à cheval… »

Vers la même époque, la femme d’un haut personnage de l’État, effarée des progrès du socialisme, me confiait dans son salon : « Ce qu’il nous faudrait, c’est une bonne guerre et, naturellement, l’exécution de Jaurès le premier jour ». Nourrie par mon père de l’esprit républicain, j’y suis restée fidèle. Mais, laissant de côté les doctrines, j’ai pour la personne de Jaurès, pour son éloquence et son caractère, une admiration fervente. Aussi la féroce sottise de ce propos m’a-t-elle tout interloquée.

Cependant, c’est au Congrès de Versailles,