Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/165

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« Ah ! C’est que les transports coûtent cher. À qualité égale, le meilleur minerai, le meilleur charbon, c’est le plus proche. C’est celui qu’on a presque à portée de la main, c’est celui du voisin. Et notez bien qu’il s’agit de réaliser sur chaque tonne une minime économie. Ces énormes antagonismes se réduisent littéralement à des questions de gros sous. Au prix d’un léger sacrifice, on aurait pu éviter cette irritante dépendance mutuelle. On ne l’a pas voulu.

« Et c’est là l’effroyable… C’est ce que je ne peux pas pardonner à ces hommes, lancés à la conquête de bénéfices dont ils gardent pour eux-mêmes la plus large part : c’est leur insatiabilité. Il y a des gens qui se sont donné pour devise : « plus haut » ou « plus fort », ou « plus loin ». Pour eux, c’est « plus », tout court. Ils gagnent pour gagner. Ils accumulent pour accumuler. Ils n’ont même pas l’excuse de thésauriser pour leurs enfants, car beaucoup d’entre eux, sans descendance proche ou lointaine, entassent pourtant avec la même ardeur féroce. Ils n’ont pas l’excuse de besoins sans limites. Car, enfin, on ne peut pas indéfiniment aimer, manger, jouir. Tous les organes ont une puissance ou une capacité restreinte. Toutes les