Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

13 décembre 1915.

L’Opéra a rouvert le 8 décembre. Un thé sous la coupole, éblouissant de brio et d’entrain, a fêté l’événement. On annonce une soirée de gala pour le 29. On va voir chez Pommerol les robes de pierreries que le maître couturier destine à cette apothéose.

Par un hasard devenu banal, le jour même où l’on me décrivait ces merveilles, un officier permissionnaire nous racontait une offensive. Ils sont un certain nombre à rapporter ces récits à mon mari, comme un chien de chasse rapporte à son maître le gibier tout saignant. Je ne m’y accoutume pas. Cette frénésie de meurtre qui s’empare des meilleurs, cet impérieux instinct de la conservation qui, sourd à la pitié, refuse la grâce même à qui l’implore, ces « nettoyeurs de tranchées », choisis parmi les professionnels de la violence, qui accomplissent leur besogne à coups de browning et de couteau… Quelle honte et quel dégoût !