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LES « HAUTS FOURNEAUX »

affaires, où l’on rencontrera les gens utiles. La villa est retenue, les sauf-conduits sont prêts. Les domestiques suivront avec les gros bagages. En route.

En deux jours, sous le ciel trop beau qui pèse sur moi comme un remords, nous avons traversé la France en écharpe. On ne s’apercevrait pas qu’il y a la guerre, sans les chaînes tendues en travers de la route à l’entrée des bourgs, sans l’inquisition furieuse des gardes civiques, armés de fusils et saoulés de pouvoir. Plus on descend vers le Midi, plus les chaînes deviennent nombreuses et les gardes arrogants. C’est qu’on voit des traîtres partout. L’espionnite règne. C’est une fièvre, un délire universels. La lueur d’une lampe studieuse, le reflet du soleil dans une vitre, deviennent des signaux à l’ennemi. Pendant notre voyage, on recherchait une auto suspecte, qui emportait deux bombes accrochées à ses flancs. Peu après, la mystérieuse voiture fut arrêtée : les bombes étaient des bouteilles à air, destinées à gonfler les pneus.

Et c’est dans ce charmant Andernos que la victoire de la Marne nous a été peu à peu révélée. Oui, peu à peu. On n’a pas compris tout de suite. C’est que, jusqu’ici, les batailles duraient un jour. Le sort des empires se réglait entre le