Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LES « HAUTS FOURNEAUX »

ou qu’elles connaissent, tous trépigneraient dans l’impatience de repartir et, pour un peu, refuseraient leur congé de convalescence.

Avides d’héroïsme, elles sont jalouses de leur propre sacrifice et ne tolèrent pas qu’on l’amoindrisse. Comme une sotte, j’essayai de démontrer à une jeune femme, fort attachée à son mari, qu’il ne courait pas grands risques. Je vis bien que je l’offensais, tout en la rassurant. Elle voulait, cette femme, que son mari fût en danger, ou qu’il parût en danger.

Elles semblent toutes porter une cuirasse qui les rend insensibles. Les mots affreux, massacres, charniers, tueries, n’éveillent plus d’épouvante. Ils ont perdu leur force et leur portée. Ils ne pénètrent plus jusqu’au cœur.

Elles rêvent de châtier l’atrocité, qu’elles réprouvent et qu’elles abominent, par l’atrocité. Des lettres de combattants, elles taisent les passages attendris. Elles citent seulement ceux qui exaltent la gloire de tuer, « d’en descendre ».

Et défense de s’émouvoir, de s’apitoyer, d’exprimer des sentiments humains. Ils sont abolis. On ne peut même pas déplorer la guerre en soi, maudire la sauvagerie qu’elle déchaîne. Timidement, j’ai essayé. Au premier mot, on voit se tourner vers soi des visages furieux, de