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LES « HAUTS FOURNEAUX »

26 décembre 1914.

À l’occasion de Noël, Anatole France a publié dans un journal un article d’une forme admirable. Je n’ai pas revu le bon Maître depuis la guerre. J’aurais pourtant bien voulu être près de lui quand, l’été dernier, sa franchise courageuse lui attira des injures forcenées. Je l’ai si bien compris, à ce moment. Épris du génie latin, il admire toute l’œuvre des Romains, leur conception de la guerre et de la paix. « Ils voulaient que leurs ennemis vaincus devinssent leurs amis ». Il osa donc transposer cette parole, envisager la réconciliation après la victoire. Aussitôt, cinq cents lettres l’accablèrent d’outrages. Rien ne peint mieux l’odieuse intolérance d’un fanatisme haineux et l’aberration universelle. Faut-il donc invoquer l’œuvre de France, comme j’invoquais celle de Jaurès, pour attester sa foi civique ? L’amour du sol natal, de ses sites, de son histoire, l’attachement aux générations disparues, aux muets témoins de leur labeur, de leurs peines et de leurs joies, nul n’en a plus que lui le sentiment profond.