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LES « HAUTS FOURNEAUX »

pour voir son petit gars au front. Il la rejoint pendant une heure. Il rentre. Mais, pendant son absence, l’ennemi a attaqué. Abandon de poste. Fusillé.

C’est encore en défiance, en haine de l’attendrissement, qu’ils restent hostiles aux permissions. Ils refusent au fils d’aller enterrer son père. Voilà six mois qu’ils ont dressé la barrière entre ces trois millions d’hommes et leurs familles. Et quand on plaide devant eux que des nations armées s’affrontent pour la première fois, que jamais les hommes mariés ne furent si nombreux parmi les combattants, que ce ne sont pas des soldats de métier, qu’ils ont des enfants, que, la guerre se prolongeant, ils se décourageront peut-être au contraire de rester si longtemps sans les embrasser, alors on voit les faces se congestionner, les maxillaires saillir, les yeux flamboyer et l’on reçoit en pleine figure la suprême menace : « Eh bien, alors, faisons la paix ! »

Jusqu’où n’irait pas leur rêve monstrueux d’isoler les combattants, de descendre un lourd rideau de fer entre eux et les êtres qu’ils aiment… Un de ces vieux retraités, à qui la guerre a rendu des galons sans leur rendre la vigueur, ne déplorait-il pas devant moi l’amé-