Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/97

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Non. Mais sous ses manières correctes, sa jolie discrétion, je le sens animé de l’esprit de haine, de mépris et de vengeance. Il « admet » la guerre, ses moyens et ses rites. Je ne sais quelle émotion sportive le soulève au récit des combats. Il ne réprouve pas, avant tout, la guerre en soi. Il ne réalise pas ses deuils universels, répandus également sur tous les belligérants, son horreur stupide, ses dessous ignobles, et sa stérilité finale. Il la voit glorieuse. Il croit à sa nécessité, à ses buts généreux.

Pour une mère, son fils est toujours le prolongement d’elle-même. Ce lien qui les unissait, qu’on a tranché à la naissance, il existe toujours pour elle. Quand René vient vers moi, il me semble qu’une partie de moi-même me rejoint, et que je me complète.

Aussi, c’est toujours une grande mélancolie, pour une maman, de s’apercevoir que son enfant prend une vie propre, une personnalité distincte, qu’il agit en dehors d’elle, qu’il pense, qu’il sent autrement qu’elle-même. Mais combien cet inévitable divorce devient plus tragique, dans le cataclysme où nous vivons !… Il n’y aurait qu’une mère pour comprendre ce que j’éprouve à voir mon petit s’éloigner, suivre la foule, et me laisser toute seule.