Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/176

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un prompt remède, c’en est fait de la république des lettres. Qui peut songer sans indignation que, malgré l’importance de cette fameuse guerre de la succession d’Espagne, la plus grande peut-être depuis la seconde guerre punique, il ne s’est pas trouvé un souverain qui chargeât quelque plume habile de la consacrer à l’éternité en l’écrivant dans la langue latine, dans la langue de la religion et de la jurisprudence romaine, commune à toute l’Europe ? Quelle preuve plus évidente que les princes, loin d’encourager les progrès des lettres, ne leur accordent aucune protection, lors même que l’intérêt de leur gloire le demande ? En voulez-vous une autre preuve ? Dans la Grèce du siècle, dans votre France, la célèbre bibliothèque du cardinal Dubois n’a pas trouvé un acheteur qui conservât dans son ensemble cette précieuse collection, et il a fallu la vendre divisée à des marchands hollandais.

Dans toutes les sciences le génie des Européens semble épuisé. Les études sévères des langues classiques ont été poussées à leur terme par les écrivains du quinzième siècle, et par les critiques du seizième. L’Église catholique, qui se repose avec raison sur son antiquité et sa perpétuité, ne recommande d’autre traduction de la Bible que la Vulgate, et cette préférence exclusive a assuré aux protestants la gloire des langues orientales. Dans les sciences théologiques, la polémique repose, la dogmatique ne demande plus rien. Les philosophes ont comme engourdi leur génie par la méthode cartésienne ; ils s’en tiennent à la perception claire et distincte, et sans fatigue, sans dépense, ils y trouvent un équivalent à toutes les bibliothèques du monde. Aussi les systèmes de physique ne sont