Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/232

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plus ignorant, à un Sosie, et non pas ce vrai rare et exquis dont la découverte exige tant de méditations d’un si grand philosophe. Savoir, c’est connaître la manière, la forme selon laquelle une chose se fait ; or la conscience a pour objet ce dont nous ne pouvons démontrer la forme, si bien que dans la pratique de la vie, quand il s’agit de choses dont nous ne pouvons donner aucun signe, aucune preuve, nous donnons le témoignage de la conscience. Mais quoique le sceptique ait conscience qu’il pense, il ignore cependant les causes de la pensée, ou de quelle manière la pensée se fait ; et il professerait aujourd’hui cette ignorance plus hautement encore, puisque dans notre religion on professe la séparation de l’âme humaine de toute corporéité. De là, ces ronces et ces épines où s’embarrassent et dont se blessent mutuellement les plus subtils métaphysiciens de notre temps, quand ils cherchent à découvrir comment l’esprit humain agit sur le corps et le corps sur l’esprit, attendu qu’il ne peut y avoir contact qu’entre des corps. Ces difficultés les forcent de recourir (toujours ex machina) à une loi occulte de Dieu par laquelle les nerfs excitent la pensée lorsqu’ils sont mis en mouvement par les objets externes, et la pensée tend les nerfs lorsqu’il lui plaît d’agir. Ils imaginent donc l’âme humaine comme une araignée, immobile au centre de sa toile ; dès que le moindre fil s’ébranle, l’araignée le ressent ; dès que l’araignée, sans que la toile remue, pressent la tempête qui approche, elle met en mouvement tous les fils de la toile. Cette loi occulte, ils l’imaginent parce qu’ils ignorent la manière dont la pensée se fait : d’où le sceptique se confirmera dans sa croyance