Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/297

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mides, on peut dire que la grandeur n’est point inconciliable avec la barbarie.

C’est la fameuse Alexandrie qui a ainsi exalté l’antique sagesse des Égyptiens. La cité d’Alexandre unit la subtilité africaine à l’esprit délicat des Grecs, et produisit des philosophes profonds dans les choses divines. Célébrée comme la mère des sciences, désignée chez les Grecs par le nom de pols, la ville par excellence, elle vit son Musée aussi célèbre que l’avaient été à Athènes l’Académie, le Lycée et le Portique. Là s’éleva le grand prêtre Manéthon, qui donna à toute l’histoire de l’Égypte l’interprétation d’une sublime théologie naturelle, précisément comme les philosophes grecs avaient donné à leurs fables nationales un sens tout philosophique. (Voy. le commencement du livre II.) Dans ce grand entrepôt du commerce de la Méditerranée et de l’Orient, un peuple si vaniteux[1], avide de superstitions nouvelles, imbu du préjugé de son antiquité prodigieuse et des vastes conquêtes de ses rois, ignorant enfin que les autres nations païennes avaient pu, sans rien savoir l’une de l’autre, concevoir des idées uniformes sur les dieux et sur les héros, ce peuple, dis-je, ne peut s’empêcher de croire que tous les dieux des navigateurs qui venaient commercer chez lui, étaient d’origine égyptienne. Il voyait que toutes les nations avaient leur Jupiter et leur Hercule ; il décida que son Jupiter Ammon était le plus ancien de tous, que tous les Hercules avaient pris leur nom de l’Hercule égyptien.

Diodore de Sicile, qui vivait du temps d’Auguste, et

  1. Gloriœ animalia ; et dans Tacite : Gens novarum religionum avida.