Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/424

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articulées avaient une signification arbitraire. Ils ont placé dans leurs rangs Aristote, Galien et d’autres philosophes, et les ont armés contre Platon et Jamblique.

Il reste cependant une diJBûculté. Pourquoi y a-t-il autant de langues vulgaires qu’il existe de peuples ? Pour résoudre ce problème, établissons d’abord une grande vérité : par un effet de la diversité des climats, les peuples ont diverses natures. Cette variété de natures leur a fait voir sous différents aspects les choses utiles ou nécessaires à la vie humaine, et a produit la diversité des usages, dont celle des langues est résultée. C’est ce que les proverbes prouvent jusqu’à l’évidence. Ce sont des maximes pour l’usage de la vie, dont le sens est le même, mais dont l’expression varie sous autant de rapports divers qu’il y a eu et qu’il y a encore de nations[1].

D’après ces considérations, nous avons médité un vocabulaire mental dont le but serait à d’expliquer toutes les langues, en ramenant la multiplicité de leurs expressions à certaines unités d’idées, dont les peuples ont

  1. Les locutions héroïques conservées et abrégées dans la précision des langues plus récentes ont bien étonné les commentateurs de la Bible, qui voient les noms des mêmes rois exprimés d’une manière dans l’Histoire sacrée, et d’une autre dans l’Histoire profane. C’est que le même homme est envisagé dans l’une, je suppose, sous le rapport de la figure, de la puissance, etc. ; dans l’autre sous le rapport de son caractère, des choses qu’il a entreprises. Nous observons de même qu’en Hongrie la même ville a un nom chez les Hongrois, un autre chez les Grecs, un troisième chez les Allemands, un quatrième chez les Turcs. L’allemand, qui est une langue héroïque, quoique vivante, reçoit tous les mots étrangers en leur faisant subir une transformation. On doit conjecturer que les Latins et les Grecs en font autant, lorsqu’ils expriment tant de choses particulières aux barbares, avec des mots qui sonnent si bien en latin et en grec. Voilà pourquoi on trouve tant d’obscurité dans la géographie et dans l’histoire naturelle des anciens. (Vico.)