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HISTOIRE DE FRANCE.

mier monument authentique de notre histoire nationale, le titre de notre admission dans cette grande initiation du monde.

En même temps, il poursuivait le culte sanguinaire des druides. Proscrits dans la Gaule, ils durent se réfugier en Bretagne ; il alla les forcer lui-même dans ce dernier asile ; ses lieutenants déclarèrent province romaine les pays qui forment le bassin de la Tamise, et laissèrent dans l’ouest, à Camulodunum, une nombreuse colonie militaire. Les légions avançaient toujours à l’ouest, renversant les autels, détruisant les vieilles forêts, et sous Néron le druidisme se trouva acculé dans la petite île de Mona. Suétonius Paulinus l’y suivit : en vain les vierges sacrées accouraient sur le rivage comme des furies, en habit de deuil, échevelées, et secouant des flambeaux ; il força le passage, égorgea tout ce qui tomba entre ses mains, druides, prêtresses, soldats, et se fit jour dans ces forêts où le sang humain avait tant de fois coulé.

Cependant les Bretons s’étaient soulevés derrière l’armée romaine ; à leur tête, leur reine, la fameuse Boadicée, qui avait à venger d’intolérables outrages ; ils avaient exterminé les vétérans de Camulodunum et toute l’infanterie d’une légion. Suétonius revint sur ses pas et rassembla froidement son armée, abandonnant la défense des villes et livrant les alliés de Rome à l’aveugle rage des barbares ; ils égorgèrent soixante-dix mille hommes, mais il les écrasa en bataille rangée ; il tua jusqu’aux chevaux. Après lui, Céréalis et Frontinus poursuivirent la conquête du Nord. Sous Domitien, le beau-père de Tacite Agri-