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HISTOIRE DE FRANCE.

s’effacent à l’occident ; les Goths et les Lombards commencent à poindre vers l’orient ; l’avant-garde saxonne, les Angli, sont à peine nommés ; la confédération francique n’est pas formée encore ; c’est le règne des Suèves (Hermions)[1]. Quoique diverses religions locales aient pu exister chez plusieurs tribus, tout porte à croire que le culte dominant était celui des éléments, celui des arbres et des fontaines. Tous les ans, la déesse Hertha (erd, la terre) sortait sur un char voilé, du mystérieux bocage où elle avait son sanctuaire, dans une île de l’Océan du Nord[2].

  1. Tacite.
  2. Lorsque saint Boniface alla convertir les Hessois… « alii lignis et fontibus clanculo, alii autem aperte sacrificabant, etc. » Acta SS. ord. S. Ben., sec. III, in S. Bonif.

    Tacit. Germania, c. xl : « Ils adorent Ertha, c’est-à-dire la Terre-Mère. Ils croient qu’elle intervient dans les affaires des hommes et qu’elle se promène quelquefois au milieu des nations. Dans une île de l’Océan est un bois consacré, et dans ce bois un char couvert dédié à la déesse. Le prêtre seul a le droit d’y toucher ; il connaît le moment où la déesse est présente dans ce sanctuaire ; elle part traînée par des vaches, et il la suit avec tous les respects de la religion. Ce sont alors des jours d’allégresse ; c’est une fête pour tous les lieux qu’elle daigne visiter et honorer de sa présence. Les guerres sont suspendues ; on ne prend point les armes ; le fer est enfermé. Ce temps est le seul où ces barbares connaissent, le seul où ils aiment la paix et le repos ; il dure jusqu’à ce que, la déesse étant rassasiée du commerce des mortels, le même prêtre la rende à son temple. Alors le char et les voiles qui le couvrent, et si on les en croit, la divinité elle-même, sont baignés dans un lac solitaire. Des esclaves s’acquittent de cet office, et aussitôt après le lac les engloutit. De là une religieuse terreur et une sainte ignorance sur cet objet mystérieux, qu’on ne peut voir sans périr. »

    Le Castum nemus de Tacite ne serait-il pas l’île Sainte des Saxons, Heiligland, à l’embouchure de l’Elbe, appelée aussi