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HISTOIRE DE FRANCE.

nabilité, qui, dans tous les siècles, ont caractérisé l’Allemagne, de sorte que ce qu’on a présenté comme prouvant l’indomptable génie, la forte individualité des guerriers germains, marquerait au contraire l’esprit éminemment social, docile, flexible de la race germanique[1] ?.

Cette mâle et juvénile allégresse de l’homme qui se sent fort et libre dans un monde qu’il s’approprie en espérance, dans les forêts dont il ne sait pas les bornes, sur une mer qui le porte à des rivages inconnus, cet élan du cheval indompté sur les steppes et les pampas, elle est sans doute dans Alaric, quand il jure qu’une force inconnue l’entraîne aux portes de Rome ; elle est dans le pirate danois qui chevauche orgueilleusement l’Océan ; elle est sous la feuillée où Robin Hood aiguise sa bonne flèche contre le shériff. Mais ne la trouvez-vous pas tout autant dans le guérillas de Galice, le D. Luis de Calderon, l’ennemi de la loi ? Est-elle moindre dans ces joyeux Gaulois qui suivirent César sous le signe de l’alouette, qui s’en allaient en chantant prendre Rome, Delphes ou Jérusalem ? Ce

  1. Distinguons soigneusement de la Germanie primitive deux formes sous lesquelles elle s’est produite à l’extérieur ; premièrement, les bandes aventureuses des barbares qui descendirent au Midi, et entrèrent dans l’Empire comme conquérants et comme soldats mercenaires ; deuxièmement, les pirates effrénés qui, plus tard, arrêtés à l’ouest par les Francs, sortirent d’abord de l’Elbe, puis de la Baltique, pour piller l’Angleterre et la France. Les uns et les autres commirent d’affreux ravages. Au premier contact des races, lorsqu’il n’y avait encore ni langues, ni habitudes communes, les maux furent grands sans doute, mais les vaincus n’oublièrent aucune exagération pour ajouter eux-mêmes à leur effroi.