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MONDE GERMANIQUE.

mains, les armeront plus d’une fois les uns contre les autres. Le Vandale Stilicon défit à Florence ses compatriotes dans la grande armée barbare de Rhodogast. Le Scythe Aétius défit les Scythes dans les campagnes de Châlons ; les Francs y combattirent pour et contre Attila. Qui entraîne les tribus germaniques dans ces guerres parricides ? c’est cette fatalité terrible dont parlent l’Edda et les Niebelungen. C’est l’or, que Sigurd enlève au dragon Fafnir, et qui doit le perdre lui-même ; cet or fatal qui passe à ses meurtriers, pour les faire périr au banquet de l’avare Attila.

L’or et la femme, voilà l’objet des guerres, le but des courses héroïques. But héroïque, comme l’effort ; l’amour ici n’a rien d’amollissant ; la grâce de la femme, c’est sa force, sa taille colossale. Élevée par un homme, par un guerrier (admirable froideur du sang germanique[1] ! ), la vierge manie les armes. Il faut, pour venir à bout de Brunhild, que Siegfried ait lancé le javelot contre elle, il faut que, dans la lutte amoureuse, elle ait de ses fortes mains fait jaillir le sang des doigts du héros… La femme, dans la Germanie primitive, était encore courbée sur la terre qu’elle cultivait[2] ; elle grandit dans la vie guerrière ; elle devient la compagne des dangers de l’homme, unie à son destin dans la vie, dans la mort (sic viven-

  1. V. le commencement du Nialsaga. — Salvian. de Provident., l. VII. « Gotorum gens perfida, sed pudica est. Saxones crudelitate efferi, sed castitate mirandi. »
  2. Tacit., Germ., c. xv. « Fortissimus quisque… nihil agens, delegata domus et penatium et agrorum cura feminis senibusque, et infirmissimo cuique ex familia. »