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HISTOIRE DE FRANCE.

Il y a une chose terrible dans ce récit, et qu’on ne peut guère révoquer en doute : des deux côtés, c’étaient pour la plupart des frères, Francs contre Francs, Ostrogoths contre Wisigoths[1]. Après une si longue séparation, ces tribus se retrouvaient pour se combattre et pour s’égorger. C’est ce que les chants germaniques ont exprimé d’une manière bien touchante dans les Nielelungen, quand le bon markgraf Rüdiger attaque, pour obéir à l’épouse d’Attila, les Burgundes qu’il aime, quand il verse de grosses larmes, et qu’en combattant Hagen, il lui prête son bouclier[2]. Plus pathétique encore est le chant d’Hildebrand et Hadubrand : le père et le fils, séparés depuis bien des années, se rencontrent au bout du monde ; mais le fils ne reconnaît point le père, et celui-ci se voit dans la nécessité de périr ou de tuer son fils[3].

  1. Du côté des Romains étaient les Wisigoths et leur roi Théodoric ; du côté des Huns, les Ostrogoths et les Gépides. Un Ostrogoth tua Théodoric.
  2. Je te donnerais volontiers mon bouclier,
    Si j’osais te l’offrir devant Chriemhild…
    N’importe ! prends-le, Hagen, et porte-le à ton bras.
    Ah ! puisses-tu le porter jusque chez vous, jusqu’à la terre des Burgundes.
  3. Le chant d’Hildebrand et Hadubrand a été retrouvé et publié en 1812 par les frères Grimm. Ils le croient du viiie siècle. Je ne puis m’empêcher de reproduire ce vénérable monument de la primitive littérature germanique. Il a été traduit par M. Gley (Langue des Francs, 1814) et par M. Ampère (Études hist. de Chateaubriand). J’essaye ici d’en donner une traduction nouvelle.

    « J’ai ouï dire qu’un jour, au milieu des combattants, se défièrent Hildibraht et Hathubraht le père et le fils… Ils arrangeaient leurs armures, se couvraient de leurs cottes d’armes, se ceignaient, bouclaient leurs épées ; ils marchaient l’un sur l’autre.