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MONDE GERMANIQUE.

marchent contre Ébroin au nom du jeune Childéric II, roi d’Ostrasie[1]. Ébroin, abandonné des grands neustriens, est enfermé au monastère de Luxeuil. Saint Léger, qui avait contribué à la révolution, n’en profita guère. Il fut accusé, à tort ou à droit, d’aspirer au trône, de concert avec le Romain Victor, patrice souverain de Marseille, qui était venu pour une affaire auprès de Childéric. Les grands du Nord inspirèrent au roi une défiance naturelle contre le chef des grands du Midi, et saint Léger fut enfermé à Luxeuil avec ce même Ébroin qu’il y avait enfermé lui-même. L’adoucissement des mœurs est ici visible. Sous les premiers Mérovingiens, un tel soupçon eût infailliblement entraîné la mort.

Cependant l’Ostrasien Childéric eut à peine respiré l’air de la Neustrie, qu’il devint, lui aussi, ennemi des grands. Dans un accès de fureur, il fit battre de verges un d’entre eux, nommé Bodilo. Ce châtiment servile les irrita tous. Childéric II fut assassiné dans la forêt de Chelles ; les assassins n’épargnèrent pas même sa femme enceinte et son fils enfant.

Ébroin et saint Léger sortirent de Luxeuil réconciliés en apparence, mais ils se séparèrent bientôt pour

  1. La querelle de saint Léger et d’Ébroin enveloppait aussi une querelle nationale, une haine de villes. Saint Léger, évêque d’Autun, avait pour lui l’évêque de Lyon, et contre lui les évêques de Valence et de Châlons. Ces deux villes faisaient ainsi la guerre à leurs rivales, les deux capitales de la Bourgogne. — Lorsque saint Léger se fut livré volontairement à ses ennemis, Autun n’en fut pas moins obligé de se racheter. Ils voulaient chasser aussi l’évêque de Lyon, mais les Lyonnais s’armèrent pour le défendre. Les villes prennent évidemment part active à la querelle.