Page:Michelet - Histoire de France - Lacroix 1880 tome 1.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
CARLOVINGIENS.

bares. Il fallait leur parler du Christ au nom de Rome, ce grand nom qui, depuis tant de générations, remplissait leur oreille.

Winfried (c’est le nom germanique de Boniface) se donna sans réserve aux papes, et, sous leurs auspices, se lança dans ce vaste monde païen de l’Allemagne à travers les populations barbares. Il fut le Colomb et le Cortez de ce monde inconnu, où il pénétrait sans autre arme que sa foi intrépide et le nom de Rome. Cet homme héroïque, passant tant de fois la mer, le Rhin, les Alpes, fut le lien des nations ; c’est par lui que les Francs s’entendirent avec Rome, avec les tribus germaniques ; c’est lui qui, par la religion, par la civilisation, attacha au sol ces tribus mobiles, et prépara à son insu la route aux armées de Charlemagne, comme les missionnaires du xvie siècle ouvrirent l’Amérique à celles de Charles-Quint. Il éleva sur le Rhin la métropole du christianisme allemand, l’église de Mayence, l’église de l’Empire, et plus loin, Cologne, l’église des reliques, la cité sainte des Pays-Bas. La jeune école de Fulde, fondée par lui au plus profond de la barbarie germanique, devint la lumière de l’Occident, et enseigna ses maîtres. Premier archevêque de Mayence, c’est du pape qu’il voulut tenir le gouvernement de ce nouveau monde chrétien qu’il avait créé. Par son serment, il se voue lui et ses successeurs au prince des apôtres, « qui seul doit donner le pallium aux évêques[1]. » Cette soumission n’a rien

  1. Bonifac., Epist. 105 : « Decrevimus in nostro synodali conventu et confessi sumus fidem catholicam, unitatem et subjec-