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HISTOIRE DE FRANCE.

quer contre Charlemagne. Il montra la même prudence, lorsque l’Église de France, à l’imitation de celle d’Espagne, ajouta au symbole de Nicée, que le Saint-Esprit procède aussi du Fils (Filioque).

Pendant que Charlemagne disserte sur la théologie, rêve l’empire Romain, et étudie la grammaire, la domination des Francs croule tout doucement. Le jeune fils de Charlemagne, dans son royaume d’Aquitaine, ayant, par faiblesse ou justice, donné, restitué toutes les spoliations de Pépin[1], son père lui en fit un reproche ; mais il ne fit qu’accomplir volontairement ce qui déjà avait lieu de soi-même. L’ouvrage de la conquête se défaisait naturellement ; les hommes et les terres échappaient peu à peu au pouvoir royal, pour se donner aux grands, aux évêques surtout, c’est-à-dire aux pouvoirs locaux qui allaient constituer la république féodale.

Au dehors, l’Empire faiblissait de même. En Italie, il avait heurté en vain contre Bénévent, contre Venise ; en Germanie, il avait reculé de l’Oder à l’Elbe, et partagé avec les Slaves. Et en effet, comment tou-

  1. Je crois qu’il faut entendre ainsi cette dilapidation du domaine que Charlemagne reprocha à son fils. Ce domaine avait dû se former de toutes les violences de la conquête. Le caractère scrupuleux de Louis, et les réparations qu’il fit plus tard à d’autres nations maltraitées par les Francs, autorisent à interpréter ainsi sa conduite en Aquitaine. Voici le texte de l’historien contemporain : « In tantum largus, ut antea nec in antiquis libris nec in modernis temporibus auditum est, ut villas regias quæ erant et avi et tritavi (Pépin et Charles Martel), fidelibus suis tradidit eas in possessiones sempiternas… Fecit enim hoc diu tempore. » Theganus, de gestis Ludov. Pii, c, xix, ap. Scr. Fr. VI, 78.