Page:Michelet - La femme.djvu/106

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Je résolus, cette année, de remonter au plus haut, d’étudier la première organisation physique de l’homme, de toucher les réalités, de retremper mon esprit par l’observation matérielle. Le corps en dit beaucoup sur l’âme. C’est beaucoup devoir, de palper l’instrument sacré dont la jeune âme s’essaye à jouer, instrument qui peut révéler ses tendances, nous donner des signes de la mesure de ses forces.

C’était le printemps. Les travaux anatomiques finissaient à Clamart, et il y avait déjà, dans ce lieu si peuplé l’hiver, de la solitude. Les arbres étaient pleins d’oiseaux, le parterre qui embellit ces funèbres galeries, était tout en fleurs. Mais nulle n’était comparable à la fleur hiéroglyphique que j’allais étudier. Ce mot n’est nullement ici une vague comparaison — mon impression fut telle. — Nul dégoût. Tout au contraire, un sentiment d’admiration, de tendresse et de pitié. Le cerveau d’un enfant d’un an, vu la première fois, par sa base (la face inférieure qu’il présente en le renversant), a tout l’effet d’un large et puissant camelia, avec des nervures d’ivoire, veiné d’un rose délicat, et ailleurs d’un pâle azur. J’ai dit ivoire faute de mieux. C’est un blanc immaculé, et pourtant d’une molle douceur, unique et attendrissante, dont rien ne donne l’idée et qui, à mon sens, laisse bien loin tout autre objet de la terre.