Page:Michelet - La femme.djvu/142

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verte a lutté, blessée parfois d’un retour de gelée, parfois de la dent du mouton ; il n’a grandi qu’en supportant les cuisants rayons du soleil. Demain, tranché de la faucille, battu, rebattu des fléaux, froissé, écrasé de la pierre, Grain d’orge, le pauvre martyr, réduit en poudre impalpable, cuit comme pain, ira sous la dent, ou distillé comme bière, sera bu. De toute façon, sa mort fera vivre l’homme.

Toutes les nations ont chanté dans de joyeuses complaintes ce martyre et celui de la vigne, sa sœur. Dans le blé déjà résidait, avec la plus haute puissance nutritive de nos climats, quelque chose de la force sucrée, enivrante, que sa sœur va nous donner. La vertu de faire du sucre, qui est un trait singulier de l’organisation humaine, existe dans ces végétaux qu’on dirait humanisés. C’est l’effort dernier de l’année. À mesure que l’homme fatigue, faiblit, se fond en sueurs, la mère Nature lui a donné une plus vivante nourriture.




À l’âge printanier des prairies et du lait, a succédé l’âge substantiel et fort du froment, et celui-ci est à peine coupé et battu, que l’humble petite vigne (traînante et rampante ici, d’autant plus fine