Page:Michelet - La femme.djvu/157

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tant, et qui ne la quittait pas. Mais elle en eût fait une fille, ou il eût fait d’elle un garçon. On l’a placé de bonne heure, loin des gâteries excessives de la mère et de la sœur, dans une maison plus virile, chez un ami, en attendant qu’il aille aux écoles publiques. La compagnie de garçons qu’il amenait rendait d’ailleurs la maison inhabitable. La petite en a conservé une grande antipathie pour cette gente tapageuse ; leurs cris, leurs coups, leurs batteries, la faisaient fuir. Toute semblable à sa douce et discrète mère, elle aime l’ordre, la paix, le silence, les jolis jeux à demi-voix.

Je la vois cependant là-bas qui se promène seulette dans une allée du jardin. Je l’appelle. Obéissante, elle vient, mais un peu lentement, le cœur gonflé, les yeux humides. Pourquoi ? sa mère a beau la baiser, la caresser ; elle est muette. Elle ne peut pas répondre, car elle ne sait ce que c’est. Nous qui le savons bien mieux, nous devons y trouver remède, faire encore ce qui, à chaque âge, lui a réussi déjà, lui donner un amour nouveau.

Sa mère, qui en a pitié, veut dès ce jour la tirer de cet état trouble, inquiet, lui mettre, non pas quelque chose, mais plutôt quelqu’un dans les bras.

Elle la mènera tout droit aux écoles du village, et lui montrera les petits enfants. La grande fille d’abord, la jeune rêveuse, trouverait ces petits un