Page:Michelet - La femme.djvu/221

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rieuse, fière et sombre. Le Français, avec sa gaieté, quelquefois un peu légère, pouvait l’effaroucher. Ses hautes facultés sibylliques ne semblaient guère s’arranger avec nos joyeux danseurs, qui, jusque dans le désert, avec un hiver de huit mois, dansaient aux chansons de Paris. Mais elles les savaient très-braves ; elles les voyaient très-sobres, bons, aimables et serviables, devenant frères tout à coup de ces tragiques guerriers. Cela leur faisait trouver grâce devant elles. À l’audace de nos étourdis, qui parfois abusaient de la solitude, si elles opposaient des refus, c’était par des mots délicats, nobles et nullement blessants. On connaît celui d’une fille déjà engagée : « L’ami que j’ai devant les yeux m’empêche de te voir. »

Elles nous prenaient un peu comme des enfants trop vifs, dont la mère, la sœur, peuvent parfois souffrir un peu ; mais elles ne nous aimaient pas moins.

De ces amours, il reste encore des métis, franco-indiens, mais dispersés, peu nombreux, qui se fondront peu à peu. Elle périt, cette noble race. Qu’en restera-t-il dans cent ans ? peut-être un buste de Préault.

Image amère (oh ! si amère) que ce grand sculpteur des tombeaux a saisie d’instinct, avec une ignorance de génie, et qui reste pour conserver à l’ave-