Page:Michelet - La femme.djvu/296

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veux ! l’entendre monter l’escalier, vite et fort, comme il va toujours !… En un moment tout va être changé, la maison pleine de rire et de gaieté. Tout tremblera de joie. La table, le foyer, tout rira de lumière. Grand appétit, récits rapides ! Son couvert sera là… Non, mieux ici ! Voilà bien son mets favori, le nôtre, à nous deux seuls (Fido n’en aura pas), un baiser par bouchée… Si le feu m’endormait, ou si je fais semblant, lui qui ne dort jamais saura bien m’éveiller… J’ai la coiffure qu’il trouvait si jolie… Mais j’ai tort. S’il est fatigué ?… Ou bien, s’il allait dire que je l’ai prise exprès pour la nuit ?… Je serais si honteuse ! »

Voilà ses naïves pensées, que peut-être j’aurais dû taire… Il est quatre heures, et l’on t’attend pour six ; mais déjà elle ne tient plus en place. Elle va, vient, regarde le soleil, se met à la fenêtre : « Qu’est-ce ceci ? le jour baisse, et mes fleurs voudraient se fermer. Les fumées montent des toits… Ces gens-là sont heureux ; ils sont rentrés déjà, les familles réunies… Que fait-il donc et où est-il ?… »

Par malheur ce jour-là, un obstacle imprévu, invincible t’arrête… Sept heures sonnent… Oh ! que le flot monte ! quel torrent d’imagination, de tristesse et de songes !… Sa douceur naturelle en est même ébranlée. Une larme d’impatience lui vient, et (le croirai-je ?) elle a frappé du pied. Déjà dix fois, vingt