Page:Michelet - La femme.djvu/364

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je ne sais quelle cloche argentine de village qui sonnait alors, tout cela vous semble bien loin, évanoui sans retour. Mais, le matin du dimanche, ayant travaillé dans la nuit, et vous éveillant un peu tard, vous apercevez le sourire attendri de votre femme qui dès longtemps vous regarde, et qui, de sa fraîche voix, de son bras arrondi sur vous, vous salue et vous bénit. Elle attendait, priait pour vous. Et vous, vous vous écriez : « Ô mon aube ! ô mon angelus !… Quel doux sentiment du matin tu me rends ! Vingt ans de ma vie sont effacés, je le sens… Oh ! que par toi je suis jeune ! oh ! que je veux l’être pour toi ! »

Mais elle, par une adresse qui ajourne et qui élude, elle t’offre une diversion, l’idée chérie dont naguère tu l’entretenais, quelque projet favori qui t’obsédait hier même. De là aux intérêts communs, à la famille, aux enfants, la transition est facile. Puis, voyant bien que tu es dans un moment de grâce et de favorable audience, elle mêle à ses discours quelque chose qui te fera bien au cœur et sanctifiera ce jour, la bonne œuvre à faire. Le temps est dur, la chose est forte ; mais, en travaillant si bien, comme tu fais, et Dieu aidant, on pourrait encore faire cela. Tu ne dis pas non, tu veux plaire. Mais avant que tu aies le temps d’expliquer toute la pensée, son enjouement raisonnable a pris les