Page:Michelet - La femme.djvu/374

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pour tes repas, pour ton repos. À chaque moment son devoir, mais aussi sa poésie. De mois en mois, avertie par la souffrance d’amour, elle scande le temps, en suit le progrès, la marche sacrée. Quand sonnent les grandes heures de l’année, aux passages des saisons, elle entend le chant solennel qui sort du fond de la Nature.

Celle-ci a son rituel, nullement arbitraire, qui de lui-même exprime la vie de la contrée dans ses immuables rapports avec la grande vie divine. On ne touche pas aisément à cela. La tradition, l’autorité qui impose à un peuple les rites de l’autre, n’opérerait rien au fond que désharmonie, dissonance. Les chants du haut Orient, si beaux, sont discordants en Gaule. Celle-ci a son chant d’alouette qui n’en monte pas moins à Dieu.

Notre aurore n’est pas une aurore d’Amérique ou de Judée. Nos brouillards ne sont pas les brumes pesantes de la Baltique. Eh bien, tout cela a sa voix. Ce climat, ces heures, ces saisons, cela chante à sa manière. Elle l’entend bien, ta femme, ta fine oreille de France. Ne l’interroge pas pourtant ; elle dirait le chant convenu. Mais, lorsque seule au ménage, un peu triste de ton absence, et travaillant doucement, dans son bonheur mélancolique, elle commence à demi-voix, elle trouve, sans l’avoir cherché, la chose naïve et