Page:Michelet - La femme.djvu/38

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seront frappées par ces deux terribles fées, par la fileuse d’airain et la couseuse de fer ? Des millions. Mais jamais on ne pourra le calculer.




L’ouvrière de l’aiguille s’est trouvée en Angleterre si subitement affamée, que nombre de sociétés d’émigrations s’occupent de favoriser son passage en Australie. L’avance est de sept cent vingt francs, mais la personne émigrée peut, dès la première année, en rendre moitié (Blosseville). Dans ce pays où les mâles sont infiniment plus nombreux, elle se marie sans peine, fortifiant de familles nouvelles cette puissante colonie, plus solide que l’empire indien.

Les nôtres que deviennent-elles ? Elles ne font pas grand bruit. On ne les verra pas, comme l’ouvrier, coalisé et robuste, le maçon, le charpentier, faire une grève menaçante et dicter des conditions. Elles meurent de faim, et voilà tout. La grande mortalité de 1854 est surtout tombée sur elles.

Depuis ce temps cependant leur sort s’est bien aggravé. Les bottines de femmes ont été cousues à la mécanique. Les fleuristes sont moins payées, etc.

Pour m’éclairer sur ce triste sujet, j’en parlai à plusieurs personnes, spécialement à mon vénérable