Page:Michelet - La femme.djvu/402

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Un amant. De visage peut-être il ressemble, mais d’âme, il est tout autre. Si c’était le mari, aurait-il ce trouble charmant ? tant d’amour et d’empressement, un si violent retour de passion ?… Oh ! nul moyen de s’expliquer… Des deux côtés, on ne sait ce qu’on dit, on balbutie, on promet et l’on jure… Bref, tous deux ont perdu l’esprit. L’amie rit, les dispense d’avoir le sens commun. Il est tard, le souper est court, car elle a la migraine, elle ne peut leur faire compagnie, et ils veulent bien l’en tenir quitte, eux-mêmes si fatigués d’émotions. On peut les laisser seuls. Ils ne se battront pas. Que l’on plaide là-bas, à la bonne heure ; mais ici, qu’ils reposent.

Est-ce tout ? non. L’aimable providence qui renoue leurs amours ne veut pas que l’orage puisse revenir à l’horizon. D’eux elle obtient deux choses. D’abord, de sortir du milieu où cet orage se forma. Il ne vient guère de ceux qui aiment, mais de leurs entourages. Si l’un des deux a un défaut, presque toujours il dure, augmente, sous l’influence de quelque funeste amitié dont il faut s’éloigner. Changer de lieu, parfois, c’est changer tout.

L’autre mal, bien fréquent, qu’elle essaye de guérir, c’est le désœuvrement. Dans une vie flottante, trop peu remplie, je ne sais combien de tristesses, de pensées malsaines, d’aigreurs, viennent infailli-