Page:Michelet - La femme.djvu/405

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bonté, de généreuse pitié, mais je ne sais si elle eût persisté contre tant d’obstacles. Il y fallait une obstination admirable dans le bien, un sublime entêtement.

Carolina Jones naquit vers 1800, dans une ferme du comté de Northampton. À vingt ans, elle fut épousée, emmenée par un officier de la compagnie des Indes. Brusque passage. Élevée dans les mœurs décentes, sérieuses, des campagnes d’Angleterre, elle tomba dans ces babylones militaires où tout est permis. Les filles de soldats, laissées orphelines, étaient à vendre dans les rues de Madras. Elle se mit à les ramasser et en remplit sa maison. On eut beau se moquer d’elle ; elle subsiste cette maison, et elle est devenue un orphelinat royal.

La santé de son mari, le capitaine Chisholm, exigeant un climat plus sain, il obtint d’aller quelque temps se refaire en Australie et y passa en 1838 avec sa femme et ses enfants. Mais, obligé bientôt de retourner à son poste, il l’y laissa seule, et c’est alors qu’elle commença sa courageuse entreprise.

Personne n’ignore que Sidney, et l’Australie en général, a été surtout peuplé de convicts, de condamnés, dont beaucoup seraient parmi nous des forçats. La déportation constante y amenait des masses d’hommes, peu de femmes relativement.