Page:Michelet - La femme.djvu/453

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glaciale. Soumise aux règles sévères, levée de bonne heure et lavée à froid, frissonnante et n’osant rien dire, ayant honte de souffrir, et pleurant sans savoir pourquoi. Que de précautions, à ce moment, dans les familles ! Le cœur des mères se fond en douces caresses, en gâteries, en mille soins utiles et inutiles ; la petite trouve tout autour un milieu tiède, une attention empressée, une inquiète prévoyance. L’orpheline, pour mère et famille, à l’hôpital, ses grands murs sérieux et les personnes officielles, qui par devoir se partagent entre tous, ne font acception de personne, et pour tous restent froides. Il n’est pas même aisé, dans ces maisons où l’ordre est tout, d’être bon sans paraître injuste et partial. Or, c’est cela que voudrait la nature, une bonté toute personnelle, l’ardeur de la tendresse et cette chaude douceur où la mère met l’enfant entre sa chair et sa chemise. Qu’il est donc nécessaire qu’au moins il y ait là une amie, une femme bonne et tendre, entendue, qui supplée quelque peu, pourvoie à ce qui lui manque.

Le plus grave, c’est que précisément, vers ce moment de crise, l’unique mère de l’orpheline, la loi, l’administration va lui manquer. L’État a fait ce qu’il a pu. Son froid abri, l’hospice va l’exclure, se fermer pour elle. Elle va entrer dans l’inconnu, — le monde, le vaste monde, dont